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Au Guatemala, des Indiennes organisent la lutte

Anne CAZALES

06 / 1997

Plus de 60 % de la population guatémaltèque est maya. L’autre groupe majoritaire du pays est constitué par la population ladine (de descendance espagnole ou métis). Les blocages de la société s’exercent encore au détriment des Indiens, les femmes subissant une "double" discrimination, en tant qu’Indiennes et femmes. Dans les communautés pourtant, la femme maya joue un rôle essentiel. Elle est le pilier de l’unité familiale, en tant qu’épouse, mère et éducatrice des enfants, mais aussi en tant qu’acteur de la vie économique. Toutes les femmes développent une activité artisanale en prise directe avec leur propre culture : tissage, poterie, etc.

Le Guatemala est le dernier pays d’Amérique latine à avoir mis un terme à une guerre civile qui a duré 36 ans. Avec la signature des accords pour "la paix ferme et durable" intervenue le 29 décembre 1996 entre l’URNG (Unité révolutionnaire guatémaltèque)et le gouvernement, l’espace démocratique s’ouvre plus largement aux organisations indigènes.

Mais la paix récemment retrouvée ne peut faire oublier les années de la répression sanglante qui, sous prétexte d’abattre les foyers de guérilla, s’est déchaînée dans les années 1980 avec une violence inouïe sur les populations civiles rurales- Le terme "escadrons de la mort" est né au Guatemala-. Elle a entraîné l’exil massif des communautés vers le Mexique, le déplacement des populations vers les villes ou la déportation dans des "villages modèles" placés sous contrôle de l’armée. Par voie de conséquence, elle a causé l’éclatement des structures traditionnelles communautaires et la destruction du tissu social et culturel de l’Indien. Au premier rang des victimes : les femmes.

Non à la violence militaire : la CONAVIGUA

Le conflit a fait plus de 45 000 veuves et 250 000 orphelins. La majorité des victimes sont issues des communautés indiennes de l’altiplano. Pour défendre les droits des veuves et protéger les femmes dont le mari avait été abattu en étant suspecté d’être membre de la guérilla, la CONAVIGUA (Comité des veuves guatémaltèques)s’est organisée en 1988. En moins d’un an, elle rassemblait 3 560 femmes, indiennes pour la plupart.

L’organisation a toujours été proche des mouvements revendicatifs paysans, notamment le CUC (Comité d’unité paysanne), et considérée comme subversive dès sa création. L’un des responsables du CUC assassiné en 1979 était le père de Rigoberta Menchu, le prix Nobel de la paix. La CONAVIGUA et la fondation de Mme Menchu ont souvent mené des actions communes en faveur des droits de l’homme. Durant les années d’exil, le prix Nobel était toujours accueilli dans les locaux de la CONAVIGUA lors de ses visites souvent non autorisées par le gouvernement. Le succès de la CONAVIGUA est à la fois féministe et politique. Féministe, parce qu’en dix ans, les femmes guatémaltèques ont appris à prendre la parole et à revendiquer leurs droits. Politique, parce qu’aux dernières élections générales de janvier 1996, Rosalina Tuyuc, fondatrice de la CONAVIGUA a été élue députée sur une liste du Front démocratique pour le nouveau Guatemala, seul parti de gauche, encore marginal, mais qui a ainsi fait entrer une Indienne au Parlement.

La victoire de la CONAVIGUA, c’est aussi la suppression des structures militaires ou paramilitaires dans les villages et la suppression de l’enrôlement forcé que le gouvernement et l’armée se sont engagés à respecter. La vigilance s’impose, d’autant plus que la CONAVIGUA milite toujours pour faire aboutir l’enquête de la commission nationale qui devra dégager les responsabilités dans les massacres des années de répression.

Des femmes prêtes au combat politique

La CONAVIGUA est historiquement proche de l’ex-guérilla qui souhaite aujourd’hui se reconvertir en parti politique. Ceci devrait déboucher sur des alliances conjoncturelles au niveau local et encourager sur le terrain l’implication des femmes dans la vie politique. Depuis la démobilisation de la guérilla (Mai 1997), les femmes qui avaient intégré la lutte armée sont bien décidées à poursuivre le combat sur la scène politique. Elles constituent un noyau de 5 à 600 femmes, en majorité indiennes (la guérilla comptait dans les derniers temps 3 à 4 000 hommes), qui ont expérimenté l’égalité entre hommes et femmes dans la lutte armée. Elles doivent aujourd’hui s’organiser pour revendiquer la parité et lutter pour le droit des femmes dans un pays marqué par un machisme culturel partagé par toutes les communautés, mayas ou ladines.

Refuser la discrimination dans l’éducation : CHOLSAMAJ

La problématique éducative du Guatemala est alarmante. Le taux d’analphabétisme (80 %)atteint 90 % au sein du peuple maya). Dans cette catégorie de population, les femmes sont les plus touchées qui constituent aujourd’hui 51 % du peuple maya. Des structures associatives ou communautaires doivent donc assumer les faillites de l’éducation nationale : dans les pays d’Amérique latine, on considère que 6 % du PIB en moyenne est consacré au budget de l’éducation ; ce chiffre se situe entre 1 et 2,4 % au Guatemala (source UNICEF). Rien n’existe au niveau de la formation pour adulte.

CHOLSAMAJ a été créée en 1984 par des intellectuels autodidactes issus de la communauté maya Kaqchikel. La majorité du personnel cadre de l’association est féminin, marquant ainsi la volonté d’ouverture de la structure. Elle a pour but de soutenir l’effort d’éducation dans les communautés indigènes en publiant et diffusant des ouvrages de bonne qualité, à prix abordable, et dont les auteurs sont en majorité indigènes. Ces outils sont mis à la disposition du public à travers un réseau de distribution traditionnelle (librairies, bibliothèques, etc.)et dans les structures plus spécifiquement mayas telles que l’Académie des langues mMayas ou la Communauté linguistique Kaqchikel. CHOLSAMAJ est la seule maison d’édition à proposer des ouvrages en version bilingue, espagnol/langues mayas.

Un département vidéo est en gestation dont la direction est confiée à un groupe de femmes. Objectifs : favoriser l’accès à l’éducation par l’image, la diffusion des connaissances et savoir-faire traditionnels dans les communautés indiennes et organiser un travail en réseau permettant la prise de parole des femmes. Ce département a pour ambition de produire à long terme des documentaires de qualité. Un partenariat vient d’être amorcé avec l’association "Femmes Changements" à Paris, plus particulièrement en lien avec son programme REEV (Rencontres, échanges, expériences, vidéo).

D’autres organisations...

D’autres organisations encore existent au Guatemala, telle l’association CEISAR qui a réuni autour d’un même projet des femmes ladines et mayas pour former des promotrices de santé dans les villages reculés autour d’Antigua. Elles constituent déjà un réseau très actif et sont prêtes à apporter leur participation à tous les échelons d’une société civile décidée à reprendre ses droits pour l’élaboration du nouveau Guatemala promis par les récents accords de paix.

Palavras-chave

mulher, discriminação das mulheres, organização de mulheres, violência, guerra civil, repressão, acesso das mulheres a política, acesso à educação, mobilização popular


, Guatemala

dossiê

Quand les femmes se mobilisent pour la paix, la citoyenneté, l’égalité des droits

Notas

-CONAVIGUA, 8 avenida 2-29, Zona 1, Guatemala Ciudad, Guatemala. Tél. 502 23 25 642

-CHOLSAMAJ, 1 avenida 9-18, Zona 1, Guatemala Ciudad, Guatemala. Tél. 502 23 25 417

-CEISAR: 7 avenida 76 A, Antigua, Guatemala. Tél. 502 93 23 0733

Pour les femmes ex-membres de la guérilla : Helena Edna Barrios, c/o FUNDUMAYA, 32 avenida 0-52, Zona 7, Utaltan I, Guatemala, Tél. 599 48 72.

Fonte

Texto original

Femmes et Changements - 46 rue Montcalm, 75018 Paris, FRANCE - celineo (@) free.fr

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