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La capitalisation d’expérience de l’association Survie

A la base du processus de capitalisation, une interrogation sur la pertinence de son existence en tant que campagne d’interpellation civique en France

François Xavier VERSCHAVE, Sylvie ROBERT

12 / 1999

SURVIE est une campagne civique : des citoyens qui interpellent un certain nombre de gens. Cela pose des tas de problèmes et c’est pour essayer d’analyser, de mesurer les difficultés de ce travail d’interpellation, de conviction, que nous avons fait une capitalisation.

Nous l’avons intitulée : ’ A la recherche du citoyen perdu ’. Nous nous heurtions notamment à certains traits culturels français. Dans les fonctionnements archétypaux français, on n’aime pas les contre-pouvoirs. D’autre part le citoyen français a pas mal d’héritage latin : il oscille, dans son rapport au pouvoir, entre le porter aux nues ou le vouer aux gémonies. Soit on pense qu’un pouvoir va être excellent, et on lui délègue tout, soit on considère que le pouvoir est totalement pourri. Mais une relation avec un pouvoir qui est constitué d’êtres humains, qu’il faut interpeller sans cesse, avec une autre attitude que l’idolâtrie ou le dégoût, c’est très difficile ici.

Dans les traditions politiques latines, les fonctionnements de pouvoir contrebalancés par des contre-pouvoirs sont peu valorisés. On les remplace par le clientélisme, qui est la négation même du contre-pouvoir. Ainsi notre travail était mal perçu, notamment par certains députés qui considéraient qu’une fois élus, ils n’avaient plus de comptes à rendre. Je dirais même que cela demande une espèce de sursaut culturel de la part du citoyen. C’est la même chose pour la presse et les autres contre-pouvoirs, beaucoup plus en connivence que dans d’autres pays. La presse française a des auto-censures extraordinaires sur des sujets majeurs. Et c’est la même chose pour le citoyen par rapport à ces contre-pouvoirs. Il a du mal à faire son travail de critique.

Notre problème dans cette campagne, c’est que plus nous avons travaillé, plus nous avons découvert de nouvelles désagréables. Ce que faisait la France n’était pas ce qu’elle croyait faire, la promotion des Droits de l’Homme, du développement dans le monde, mais bien plus souvent le contraire. C’est très difficile de vendre une mauvaise nouvelle.

La capitalisation publiée en 1996 a été une étape. Contrairement à beaucoup d’ONG qui partent sur une attitude radicale pour devenir consensuelle, nous on a été 12 ans consensuels pour ensuite devenir radicaux. Beaucoup de gens sont engagés dans les ONG par désespoir du politique. Ils espéraient trouver par le biais du développement une nouvelle manière de faire du politique qui ne les compromettrait pas avec les enjeux de la politique. Ils se sont retrouvés au Rwanda dans la démonstration du contraire. On pouvait faire des choses magnifiques au niveau du développement, mais si on était dans un milieu politique qui allait tout détruire, on ne pouvait pas l’ignorer. Ca a effectivement été une remise en question importante pour beaucoup d’ONG. Assez peu encore en ont tiré toutes les conséquences. Pour nous c’est différent, car au contraire, depuis le début, SURVIE s’est toujours assumée et vécue comme une organisation civique faisant exclusivement ou essentiellement de la politique. Pour nous le Rwanda a été la révélation que le fonctionnement de notre pays en Afrique n’était pas réformable, mais qu’il fallait une rupture radicale par rapport à un néo-colonialisme généralisé. Autant nous n’aurions pas été d’accord avec certaines caricatures du discours sur le néo-colonialisme des années 60, autant on peut dire que dans un certain nombre de pays, dans les années 90, la politique de la France a rejoint sa propre caricature.

Ce travail de capitalisation avait été décidé en 1994. Nous avons commencé au moment même où nous étions en train de sentir que notre action devait se réorienter fortement, au moins pour une certaine durée. Les raisons pour lesquelles nous faisions cette capitalisation n’étaient pas ce changement de stratégie, encore peu clair et assumé, mais une interrogation sur le civisme français. Comment l’esprit français s’accommode-t-il de cette problématique fondamentale de la démocratie, l’exercice de l’interpellation, du contre-pouvoir ?

Il y a eu un changement de stratégie, mais ce n’est pas une remise en cause identitaire. Nous avions cet objectif d’une coopération contre la misère, nous ne pouvions pas construire sans revoir les fondations. C’est un changement de stratégie analysé, discuté, échangé. Ce sont les mêmes gens qui, dans l’association, ont porté ce changement de stratégie, même si cela n’a pas été facile : passer d’un travail consensuel à une stratégie de rupture n’est pas facile. Certains ont mal supporté ce changement. Mais la capitalisation portait plutôt sur la question générale : ’ Comment se fait-il que nous existions ? ’. Comment est-il possible de mener dans la durée un travail d’interpellation civique, compte tenu de tous les blocages, y compris mentaux, qui peuvent exister en France par rapport à ce travail ?

Le travail de capitalisation a pris 3-4 mois, et a été retranscrit intégralement, mais il a fallu plus d’un an avant que le second document ne soit écrit : une espèce de réécriture transversale, d’interprétation. C’est intéressant, mais d’une certaine manière, je n’y reconnais pas vraiment notre travail. C’est tout le problème d’une réécriture.

Ce document final a été rédigé pour un public autre, externe. Il paraît que c’est intéressant. Je suis comme paralysé pour porter un jugement là-dessus, car j’ai l’impression que c’est un travail ’ à propos de ’. C’est comme l’auteur d’un livre qui se voit adapté au cinéma et qui ne reconnaît plus ce qu’il a fait.

Notre propos, dans la capitalisation, était donc d’interroger des militants, des parlementaires, des journalistes, des experts, des représentants des pays d’Afrique, pour leur demander ’ Comment vivez-vous, comment ressentez vous le travail d’interpellation mené par SURVIE ? ’. C’était essayer d’avoir un regard extérieur sur ce que nous faisions pour tenter de mieux en dépasser les limites. Autrement dit, nous sommes conscients de la difficulté de notre tâche, mais ne voulons pas y rajouter nos propres erreurs ou aveuglements. Notre objectif était d’entendre de la part des autres ce qu’ils trouvaient essentiel, positif ou gênant dans notre action et nos manières de faire.

Ce n’était pas une démarche d’évaluation externe au sens où cela se fait habituellement, avec des cabinets d’audit, des experts parce que c’était fait avec des interlocuteurs de notre action. C’est un peu comme si l’on faisait une enquête de satisfaction auprès de différentes catégories de clients. Ce n’est pas un tiers extérieur, ce sont nos interlocuteurs. Que cela s’appelle capitalisation ou autre chose, c’est pareil. Ces discussions sémantiques m’intéressent modérément.

Comment des gens qui veulent changer quelque chose dans la société s’y prennent, avec quelles méthodes, et comment ce qu’ils expérimentent peut être source d’inspiration pour autrui ? C’est un peu comme cela que je comprends la capitalisation : repérer des choses qui marchent et pouvoir les transmettre.

Palavras-chave

Franca

Notas

F. X. Verschave est l’auteur de ’ Libres leçons de Braudel ’ publié en 1994 dans la collection des Ateliers du développement (Ed.Syros/Fph)

Fonte

Entrevista

SURVIE - 210 rue St Martin 75003 Paris, FRANCE - Tél : 33 (0) 1 44 61 03 25 Fax : 33 (0) 1 44 61 03 20 - Franca - www.survie-france.org - contact (@) survie-france.org

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