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Ce que les mots ne disent pas

Quelques pistes pour réduire les malentendus interculturels : la singulière expérience des traductions de la plate-forme de l’Alliance pour un monde responsable et solidaire

Robert DOUILLET

01 / 2001

"Selon la sagesse asiatique, le silence est la plus haute forme de communication, suivi par les gestes : les mots ne ravissent que la troisième place."

"Les mots ne sont pas que des outils de communication. Ils agissent. Ils clarifient, dissimulent, séduisent, attachent, détachent. Ils nous réunissent par notre compréhension du sens d’un mot, ou au contraire nous séparent à cause de ce qu’ils ne nous disent pas."

Ces courtes phrases précisant la place des mots sont particulièrement vrais quand il s’agit de traduire en une vingtaine de langues différentes un même texte fondateur, celui de la plate-forme pour un monde responsable et solidaire élaboré par une soixantaine de personnes de tous les continents. Ce texte important, base de rencontres et de réflexions pour l’Alliance à l’occasion de son Assemblée mondiale de 2001, a posé de nombreuses difficultés aux personnes chargées de le traduire dans des langues aussi différentes que le mandarin, l’arabe, ou le wolof.

Car si les mots agissent, ils sont d’abord la vision d’un être humain ou d’une société, avec des concepts, des enchaînements d’idées, évidents pour les uns et totalement obscurs pour les autres.

Les différents traducteurs de la plate-forme pour un monde responsable et solidaire, accompagnés de personnes ressources, se sont réunis pour effectuer un travail approfondis de certains de ses mots, et des sous-entendus culturels qu’ils véhiculent. Ils ont pu ainsi approfondir la compréhension de leurs différences culturelles, mais aussi aboutir à des propositions concrètes pour la conception et l’écriture d’un texte de base destinés à mobiliser des mouvements internationaux.

Prenons comme première illustration le mot " monde ", mot primordial souvent utilisé dans le texte de la plate-forme. Bien sûr, la place de l’être humain dans le monde peut varier selon son origine, sa raison d’être ou sa relation avec les autres êtres vivants. Pour certains occidentaux, le monde peut être une planète, un objet exploitable à souhait et pouvant être contrôlé par l’humanité. Mais pour la majorité des humains, le monde n’est pas une entité anthropocentrique et parfaitement visible, le monde d’ici-bas, mais bien une réalité cosmique dont nous faisons tous partie, dont nous sommes issus et dans laquelle nous nous retrouverons après la mort.

Dans le langage Ewe au Togo, l’équivalent conceptuel du mot "monde" ne dissocie pas le monde des vivants de celui des morts ; dans la langue arabe, la traduction par "aâlam" signifie "la création" dans sa totalité, et inclut la connaissance, la foi, la science, la compréhension en toute vérité, ..., soit un ensemble de signes du Créateur ; en langue peul, il n’existe pas d’équivalent au mot "monde", mais différents termes selon différents concepts.

Plus proche de nous, le monde en français renvoie d’abord aux étoiles en mouvement (mundus est dérivé de "movendus" et donc de "movere", bouger) dans le firmament, puis le tout composé du ciel, de la terre et de la mer, et enfin vient le sens de l’humanité ; alors qu’en anglais, "world" renvoie directement à la condition terrestre de l’existence humaine.

De même, qu’est ce que "l’environnement" pour ceux qui vivent dans "son" respect depuis toujours, percevant la nature comme un être vivant dont ils font pleinement partie ?

Faut-il rechercher "l’équilibre" et comment en discuter avec les peuls, puisque pour eux c’est le déséquilibre qui constitue l’essence même de la diversité de l’humanité et que grâce à l’interdépendance qu’il engendre, entraîne une grande partie des rapports sociaux ?

Comment faut-il enfin interpréter le terme de solidarité, quand pour les uns elle est une obligation et un droit ? Pourquoi même prononcer ce mot puisqu’il traduit une évidence et que ceci risquerait de briser quelque chose ?

Dans le cadre de leur rencontre, les traducteurs ont pu travailler sur de nombreux mots "clés" du texte fondateur de la plate-forme pour un monde responsable et solidaire, exprimant des valeurs, le temps qui passe ou le changement. Les mots "clés" présentés, traduction précises de concepts dans la langue originale du texte, ne possèdent pas d’équivalents dans d’autres langues d’autres parties du monde d’où une importante difficulté de traduction et de compréhension.

Les traducteurs et les personnes ressources qui les accompagnent proposent alors d’inverser le schéma de rédaction d’un texte élaboré pour une mobilisation internationale : plutôt que de partir d’un texte et de le traduire dans les autres langues, il serait préférable de commencer à concevoir une série de texte dans les langues différentes, pour ensuite les traduire en langues internationales après en avoir ressorti les principales valeurs sous jacentes. En d’autres termes, partons de la diversité pour déboucher sur une unité de texte acceptable et comprise par tous, et évitons de multiplier les erreurs en traduisant un texte unique dans la diversité des langues.

C’est certainement une méthode séduisante. Mais l’élaboration du texte définitif risque de se heurter de nouveau à d’importantes difficultés de traduction...

Palavras-chave

pluralismo cultural, desenvolvimento cultural, diálogo intercultural, identidade cultural, mal entendido cultural, lingüística


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Fonte

Livro

SIZOO, Edith, Ce que les mots ne disent pas, Charles Léopold Mayer in. Dossier pour un débat. 104, 2000/08 (France), 100 p.

GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - Franca - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr

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