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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Un prix juste

Pierre angulaire du commerce équitable

Laure DE CENIVAL

04 / 1998

La détermination d’un prix équitable

"Les prix des marchandises vendues sur le marché international ne reflètent pas les coûts réels de production. Il sont fixés le plus bas possible, sans tenir compte des conséquences humaines, sociales ou écologiques" (EFTA, Mémento 1998).

C’est pourquoi, parmi les critères fondamentaux du commerce équitable, le prix juste doit non seulement couvrir le coût de la matière première, des moyens de production et du temps de travail, mais aussi les coûts sociaux et environnementaux. Il doit en outre assurer un bénéfice, qui peut par exemple être versé en espèces aux producteurs ou être affecté au groupement, à l’amélioration écologique, à l’organisation associative ou à la promotion féminine. Par exemple, le prix payé aux apiculteurs sud-américains par OS3, la centrale d’achat suisse, est jusqu’à 60 % supérieur au prix du marché local. En principe, ce sont les producteurs qui fixent la rémunération, mais ils ont parfois tendance à sous-estimer leurs coûts de production.

Pour les produits (alimentaires), qui disposent d’un marché au niveau international, le prix est fixé par rapport à ce marché (et à son évolution), à un niveau supérieur et avec la garantie d’un prix minimum. C’est le cas par exemple pour le café, le cacao ou le sucre. Pour les autres produits (alimentaires ou artisanaux), le prix est fixé en concertation avec les producteurs, en fonction du coût de production. Pour un même produit, le prix peut varier selon les pays ou la qualité (différents types d’arabica par exemple). Une prime peut être accordée aux produits biologiques (thé, café, banane, quinoa ou riz).

La marge des intermédiaires

Dans les réseaux alternatifs, les coûts de distribution et les marges sont réduits au maximum par rapport au commerce conventionnel. Pour les produits sous label équitable vendus dans la grande distribution, les marges des intermédiaires sont en principe les mêmes que pour les produits classiques. Ajoutés au prix équitable payé aux producteurs, ces coûts engendrent souvent un prix final supérieur à celui d’un produit conventionnel équivalent. Aux Pays-Bas par exemple, le café vendu par FTO, Fair Trade Organisatie, est 2,5 % plus cher que le café classique.

Pour les produits artisanaux, Solidar’Monde applique un coefficient de 3,3 entre le prix payé au producteur et le prix public. En pratique, la part du prix final qui revient au producteur est plus importante pour les produits artisanaux (qui sont des produits finis), que pour les produits alimentaires (qui nécessitent souvent un emballage ou une transformation en Europe).

Toutefois, un prix équitable pour le producteur n’implique pas toujours un prix plus élevé pour le consommateur. La moitié des produits équitables sont vendus à un prix comparable à celui du marché et nombre d’entre eux sont très compétitifs. C’est le cas pour la banane équitable récemment lancée sur les marchés néerlandais, suisse et belge. Cependant, de plus en plus de consommateurs admettent que le prix d’un produit doit garantir un niveau de vie décent au producteur. Ils sont même souvent prêts à payer un prix plus élevé pour un produit qui reflète un critère qu’ils considèrent comme important.

La question du juste prix

"Le commerce équitable ramène à la grande interrogation économique du juste prix. On ne sait pas ce qu’il est exactement, mais on sait ce qu’il n’est pas : trop élevé, le Sud n’exporte plus rien ; trop bas, c’est l’exploitation qui perdure. Le prix équitable est une notion propre à chaque individu. Aujourd’hui, les consommateurs peuvent se dire sensibilisés par la situation des producteurs du Sud, mais ils continuent en grande majorité à acheter le meilleur marché. Lorsque cette attitude aura changé, le commerce équitable prendra de l’ampleur." (G. Gaudard, Université de Fribourg).

Le prix équitable signifie un prix minimum garanti. Ceci est très important pour les petits producteurs, dans un contexte d’instabilité des marchés internationaux, qui ne leur permet pas de mettre en ouvre des stratégies de développement à long terme. La garantie d’un prix stable, dans le cadre d’une relation durable, est un atout important pour les producteurs intégrés dans les réseaux du commerce équitable.

Le prix équitable payé au producteur est supérieur à celui du marché. Toutefois, il faut bien admettre qu’un prix supérieur à celui du marché n’est pas forcément juste. Il peut demeurer trop bas pour assurer le minimum vital aux producteurs.

Le prix de vente d’un produit équitable est également souvent plus élevé que celui d’un produit conventionnel équivalent. Il ne s’agit pas forcément d’un frein à la consommation, dans la mesure où ce prix reste abordable. Ceci est particulièrement vrai pour les produits alimentaires, qui représentent un poste relativement modeste du budget des ménages en Europe. Certaines organisations de commerce équitable considèrent toutefois que le niveau élevé des produits équitables peut limiter l’expansion du marché, notamment pour ceux qui supposent des achats réguliers. Les consommateurs pourraient être tentés, en période de crise, de se reporter sur les offres meilleur marché de la concurrence.

On peut aussi considérer, qu’il est nécessaire que les produits équitables soient plus chers que leurs équivalents conventionnels pour transformer l’acte d’achat en acte citoyen. Sans cela, le consommateur ne peut pas vraiment prendre conscience que des conditions de travail décentes et la préservation de l’environnement ont un coût. Cela va d’ailleurs dans le sens du mouvement de rejet de la stratégie commerciale classique, qui consiste à vendre toujours moins cher mais à n’importe quel prix.

Le consommateur européen prêt à payer plus cher les bananes équitables !

C’est ce que révèle un sondage réalisé pour la Commission européenne en 1997 à propos du marché potentiel des bananes équitables au sein de l’UE. 74 % des personnes interrogées se disent prêtes à acheter ces produits, pourvu qu’ils soient disponibles dans leurs lieux habituels d’achat (les Suédois sont en tête avec un record de 87 %). Et, précision importante, 37 % sont d’accord pour payer un supplément de prix de 10 % si les bananes en question leur garantissent vraiment une valeur ajoutée éthique (11 % sont d’accord pour une prime de 20 %). L’enquête nous apprend que ce sont en majorité les clients habituels du commerce équitable qui trouvent normal de payer plus cher des produits pour lesquels les producteurs ont reçu un prix décent (ou les ouvriers des plantations bénéficié de conditions de travail acceptables).

Mots-clés

commerce équitable, prix, coût de production, coût écologique, petit producteur, éthique, comportement culturel, consommateur


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dossier

Pour un commerce équitable : expériences et propositions pour un renouvellement des pratiques commerciales entre les pays du Nord et ceux du Sud

Commentaire

Ceci montre à quel point les consommateurs sont aujourd’hui prêts à faire un effort de solidarité, notamment lorsqu’ils disposent d’une information précise et fiable sur les conséquences positives de leur acte d’achat pour les producteurs du Sud.

Source

Livre

Du commerce équitable à la consommation responsable, le pouvoir des citoyens europèens pour changer les conditions de l'échange Nord, EFTA, 1998/05

SOLAGRAL (Solidarité agricole et alimentaire) - n’existe plus

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