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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Capitalisation : une nouvelle approche pour des projets pilotes

Pierre DE ZUTTER

07 / 1993

Capitaliser l’expérience c’est différent de faire une thèse, d’évaluer, de systématiser, de faire une étude, de reconstruire une histoire, de recueillir des témoignages de vie ou d’évènements. La capitalisation profite des apports de chacune de ces activités, elle leur offre également bien des acquis qui peuvent les enrichir, mais elle a besoin d’affirmer sa singularité pour déployer ses potentiels.

Par contre il y a une activité à laquelle la capitalisation pourrait offrir une nouvelle dimension, c’est le projet pilote. Deux expériences viennent étayer cette possibilité. Celle du Projet Pilote d’Ecosystèmes Andins (PPEA) à Cajamarca - Pérou, celle du Projet d’Irrigation Inter-Vallées (PRIV) à Cochabamba - Bolivie.

Dans les deux cas, un des objectifs officiels était d’acquérir des connaissances et des expériences pouvant servir à d’autres projets. Dans les deux cas il s’agissait d’élaborer et/ou de confirmer un modèle d’action. Dans les deux cas les déboires ont été nombreux et nul modèle n’en est sorti. Dans les deux cas un gros effort de capitalisation a cependant permis de valoriser les apprentissages et de fournir de nombreuses réflexions et pistes utiles à d’autres.

Un projet pilote se caractérise par une plus grande abondance en ressources (matérielles et professionnelles) destinées à améliorer l’utilisation des connaissances préexistantes, à en élaborer d’autres, à recueillir celles qui surgissent de la pratique.

Mais la tendance générale consiste à disposer séparément de spécialistes (« internationaux ») supposés détenir le savoir nécessaire et de techniciens (« nationaux ») occupés à les appliquer. Même si les propositions de projets-pilote parlent toujours d’avoir les meilleurs spécialistes nationaux en contrepartie des experts étrangers, dans la réalité ce sont presque toujours de jeunes techniciens nationaux récemment formés qui assument finalement le travail sur le terrain et deviennent de simples « relais ». Il en résulte un divorce inévitable entre les propositions « idéales » des experts et les pratiques concrètes du projet.

Faut-il donc supprimer les projets-pilote ? Une approche de capitalisation pourrait permettre de les relancer et de justifier (et combien !) leur existence.

Nos capitalisations habituelles interviennent après-coup, sur la base d’une information partiellement conservée, presque toujours en absence d’une grande partie des principaux acteurs. Nous ne profitons ainsi que de quelques-uns des potentiels de l’expérience acquise. Et nous avons rarement les moyens de mettre en place dès le départ tout un dispositif de recueil et d’interprétation des réponses de la réalité (des hommes, de la nature, des faits, etc.). Surtout que la logique de projet impose déjà bien des efforts de quantification pour les rapports, les évaluations, les audits.

Ces moyens c’est précisément ce dont disposent un peu plus les projets-pilote. Ceux-ci pourraient donc, à condition de délaisser l’obsession du modèle à proposer et l’optique selon laquelle l’expert définit et le projet exécute, les consacrer à recueillir et élaborer les faits, les vécus et les opinions qui surgissent de l’expérience.

En élargissant le travail de registre au delà des informations scientifiques habituelles pour y inclure systématiquement les confrontations et les apprentissages de dialogue entre, par exemple, les paysans et les techniciens, les techniciens et les spécialistes, entre les différents métiers présents, entre les propositions d’amélioration et les urgences de vie, entre les multiples savoirs qui confluent ou divergent, entre tous les acteurs (humains, naturels, spirituels et autres).

En complétant le quantitatif avec le qualitatif et toutes ses subjectivités.

C’est dans la mesure où le PPEA et le PRIV avaient commencé à le faire que leurs capitalisations ont pu être plus utiles à d’autres gens et défis. C’est dans la mesure où ils ont ainsi pu capitaliser leurs expériences qu’ils ont finalement justifié leur caractère pilote.

Mots-clés

construction du savoir, relations réflexion action, capitalisation de l’expérience


, Amérique Latine, Pérou, Bolivie, Cajamarca, Cochabamba

dossier

Des histoires, des savoirs et des hommes : l’expérience est un capital, réflexion sur la capitalisation d’expérience

Commentaire

Les projets-pilote de la coopération internationale se fondent sur l’idée que l’apport des meilleurs experts doit permettre de meilleures actions. Dans une optique de capitalisation cela resterait vrai. Ce qui devrait changer c’est l’idée de l’expert-proposeur de solutions. Mais un expert alliant à son savoir spécialisé la capacité (temps, attitude, attentes de son employeur, finesse de ses connaissances) de dialogue avec d’autres savoirs et d’autres gens serait précisément un des « plus » dont a besoin le projet pilote afin d’enrichir son expérience et donc les apports de la capitalisation.

Notes

Le PPEA : Proyecto Piloto de Ecosistemas Andinosa été réalisé entre 1985 et 1992 à Cajamarca-Pérou par l’Etat péruvien et le PNUE : Programme des Nations Unies pour l’Environnement. Le PRIV : Proyecto de Riego Inter-Vallesest réalisé à Cochabamba-Bolivie, entre l’Etat bolivien et la Coopération Allemande, depuis 1977.

Fiche traduite en espagnol : « Capitalización : Un nuevo enfoque para proyectos-piloto »

Ce dossier est également disponible sur le site de Pierre de Zutter : p-zutter.net

Version en espagnol du dossier : Historias, saberes y gentes - de la experiencia al conocimiento

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