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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Capitalisation : le processus et ses richesses

Pierre DE ZUTTER

08 / 1993

Quand ai-je le plus appris sur ce qu’est ou pourrait être la capitalisation de l’expérience ? Au cours du très long processus de négociation pour décider et mettre en place la capitalisation du Priv à Cochabamba en 1991. Quelle richesse dans un tel processus !

Ce fut d’abord la négociation des envies, entre la fin 1990 et le début 1991, sur place, avec les acteurs intéressés. C’est là que se révélèrent bien des rêves, bien des frustrations, bien des engagements.

Ce fut ensuite la négociation des conditions pour faire, avec les dirigeants locaux et ceux des deux principaux tuteurs. C’est là qu’il nous fallut préciser les différences entre la « récupération historique » que nous désirions, la « systématisation » qui nous était demandée, la tentative de « capitalisation » sur laquelle nous avons débouché.

Ce fut ensuite la négociation de la méthode quand avec Loyda Sánchez nous eûmes à commencer. Car, avant d’entreprendre et avant que je ne me retire pour quelques mois, il eût été bon d’avoir un chemin à peu près bien tracé. C’est là que nous avons découvert combien il était plus important de rapprocher nos manières de « sentir » le défi, ses richesses et ses difficultés que d’accorder des formes et des normes. Et cela nous a permis de déboucher sur des sessions exaltantes, à plusieurs, où nous échangions des trucs de métier qui pourraient aider au travail.

Quand ai-je le plus appris sur comment l’expérience s’élabore en connaissance ? En accompagnant (avec échecs et succès) des dizaines de processus personnels où des gens du terrain reprenaient leurs pratiques et leurs vécus et s’essayaient au partage de leurs acquis. C’est là que s’exprimaient les mirages et les blocages, les jeux de miroirs et les pouvoirs du savoir, les relations entre l’action et la réflexion, entre la culture et la connaissance, entre les devenirs personnels et l’histoire du savoir…

Ce n’est pas tant dans l’acquis final, dans le résultat, que l’on apprend le plus et le mieux, c’est dans le partage du processus qui y a conduit. Car c’est là qu’apparaît l’ensemble des attitudes et des facteurs et des critères qui permettent que la connaissance offerte puisse être encore plus utile. Connaître par exemple le processus d’élaboration d’une innovation aide les éventuels processus de diffusion et d’adaptation à être créatifs, à être plus judicieux et moins mécaniques.

Combien d’innovations nous ont été proposées ces dernières décennies pour les projets de développement ! Certaines durent, certaines échouent, certaines vivent ce que vivent les modes : l’espace d’un budget. Mais est-ce que les plus utiles sont celles qui sont demeurées et les plus mauvaises celles qui ont disparu ?

En 1983 j’étais témoin à Chumbivilcas, Cusco, Pérou, des tensions et des rejets qu’avait suscités la recherche-développement proposée au Cicda par la coopération française. En 1985 j’ai vu, toujours à Chumbivilcas, les merveilles que Jean Bourliaud, l’un des « proposeurs », réalisait lui-même avec cette méthode. Si, au lieu de quérir des coupables ou des traîtres, nous avions pu capitaliser cette expérience, que n’aurions nous pas appris sur les jeux de pouvoirs dans le savoir, sur les jeux de carrières dans la méthode, sur les jeux de cultures dans l’approche !

Car, quand la capitalisation se penche sur l’expérience et essaie de la partager, elle fait affleurer toutes ces attitudes, tous ces tabous, toutes ces aspirations, tous ces rejets qui, si on les ignore, empêchent le vrai dialogue.

Mots-clés

recomposition du savoir, recherche et développement, culture et développement, méthodologie, innovation, processus d’adaptation, négociation, dialogue interculturel, relations réflexion action, capitalisation de l’expérience


, Bolivie, Pérou, France, Pays andins, Cochabamba, Cusco, Chumbivilcas

dossier

Des histoires, des savoirs et des hommes : l’expérience est un capital, réflexion sur la capitalisation d’expérience

Commentaire

Souvent on écoute les tuteurs académiques de telle ou telle approche, de telle ou telle méthode, de telle ou telle technique, se plaindre que leur enfant a été dénaturé, que les critiques sont injustifiées car « ce n’était pas cela qu’ils proposaient ». Et ils le démontrent, textes à l’appui ! S’agit-il d’erreurs, de mauvaises volontés, ou bien d’une incapacité au dialogue parce que l’on ne reconnaît pas que les processus autour de la connaissance peuvent être très différents suivant les milieux, les cultures, les moments ?

C’est justement sur tous ces processus que verse en partie la capitalisation de l’expérience et c’est ce genre de processus que revivent les acteurs de terrain au moment de capitaliser. Il est important que la méthode employée en tienne compte, aussi bien pour être plus efficace que pour acquérir cette connaissance des processus personnels qui aidera ensuite à améliorer le dialogue et le partage.

Notes

Le PRIV=Proyecto de Riego Inter-Valles est réalisé à Cochabamba entre l’Etat bolivien et la Coopération Allemande. Le CICDA=Centre International de Coopération pour le Développement Agricole est une ONG française qui conduit des projets au Pérou, en Bolivie et en Equateur.

Fiche traduite en espagnol : « Capitalización: El proceso y sus riquezas »

Ce dossier est également disponible sur le site de Pierre de Zutter : p-zutter.net

Version en espagnol du dossier : Historias, saberes y gentes - de la experiencia al conocimiento

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